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Channel: Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
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Commentaire de Luc Charlier

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Lettre ouverte à la famille Thibon-Macagno

 

Messieurs, Mesdames,

 

 

Je ne connais votre domaine que pour sa bonne réputation, n’ayant pas eu l’occasion avant que je ne devienne vigneron de vous rendre visite, et pas le temps depuis.

Votre courrier, mis en ligne par Jacques Berthomeau dont je suis quotidiennement les billets, m’a ému mais aussi perturbé.

 

 

A l’attention des lecteurs lambda de ce blog, je préciserai que tout le monde sait que du ciment neuf  - qu’il soit réellement tout neuf, comme ici, ou simplement détartré – cela « boit » l’acide tartrique d’un vin. En fait, ce matériau est poreux, possède des propriétés capillaires, osmotiques et chimiques (acide-base) qui rendent une perte d’acidité du vin inévitable et systématique, même si son amplitude ne peut pas être prédite de manière très fine.

Pour remédier à cela, on pratique l’affranchissage des cuves (avant la mise en service ou même après un simple détartrage de routine sanitaire) : on badigeonne leur surface (parois, plafond et plancher) d’une solution d’acide tartrique (à 20 % d’habitude), qui va « saturer » l’enduit du béton et même en partie sa masse. Après, il va « boire » beaucoup moins ou même pas du tout.

 

Sans connaître les détails de cette affligeante affaire, il est évident qu’il y a eu manque (ou même absence) d’affranchissage du cuvier. A qui la faute ? Ceci est un débat de juristes et je ne m’en mêlerai pas. Cela ne nous regarde d’ailleurs pas.

 

Vu de l’extérieur – je ne connais pas la famille Thibon-Macagno mais  je compatis évidemment à leur guigne – je voudrais leur donner comme un petit « conseil », en toute modestie – moi qui ne suis pas le payeur : si c’est encore oenologiquement faisable (car peut-être le vin s’est-il détérioré entretemps ?), faites fi de vos scrupules « naturalistes », achetez suffisamment d’acide tartrique (qui est quand même un constituant naturel du jus de raisin) et rajoutez-le à votre cuvée en quantité apte à reproduire les niveaux antérieurs. En tant que client et/ou amateur, on ne peut trouver cela que tout à fait NORMAL.

 

Il y a un aspect légal : on ne peut pas impunément « acidifier » un vin. Toutefois, dans votre cas, étudiez la situation avec votre cabinet oenologique et prenez contact avec le service viti des Douanes et des Fraudes. Vu les circonstances, il me paraît évident qu’il doit exister une clause – ou une dérogation – qui le permette, moyennant déclaration préalable.

 

Et, votre lettre y fait allusion, il y a vos « principes ».

Dans la mouvance des biodynamiciens, il ya bien sûr des gourous - sans aucune compétence en chimie d’ailleurs – qui vont prétendre qu’il existe des ac. tartriques « naturels » (lisez steineriens) et d’autres « de synthèse », mais il n’en est rien.

L’acide tartrique est un « bête » acide alpha-hydroxylé à quatre atomes de carbone, qui existe après préparation au laboratoire sous sa forme racémique (mélange des formes dextrogyres et lévogyres), alors que la forme naturellement présente dans le jus de raisin est l’isomère L (+). Il existe en fait même encore un troisième stéréoisomère mais il est achiral (ac. mésotartrique).

Or, l’acide tartrique vendu par l’industrie chimique – que je ne porte pas en odeur de sainteté, croyez-le bien – correspond au « code européen »  E334 (si je ne me trompe pas) et il s’agit exclusivement de l’acide L-tartrique, comme dans le jus de raisin naturel. Il n’y a aucune différence !!!!!

 

Au-delà du dogme, si vous pouvez rendre à votre bon vin ce que le béton lui a dérobé, où est le problème ? Au niveau moral, au niveau commercial, au niveau oenologique, cette attitude est plus que défendable : elle est la seule logique.

 

Je vous en conjure – si bien sûr le mal est encore réparable car peut-être d’autres modifications sont intervenues entretemps suite à la montée du pH et à la baisse de son acidité totale – rendez à votre vin l’ac. tartrique qui lui manque en ne cédant pas au sectarisme.

 

Je ne m’entends absolument pas avec M. N Joly, avec qui je me suis empoigné (au figuré) plusieurs fois et nous ne nous sommes pas croisés depuis plus de 15 ans, heureusement pour moi. Il a mené jadis une croisade contre la vitamine C « synthétique » (ac. ascorbique) qui était un tissu de sornettes. Je suis d’accord avec lui pour penser qu’il ne faut pas ajouter d’ac. ascorbique au vin, mais pas parce qu’il existerait « deux formes d’acide ascorbique ».


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