Bonjour à tous,
Ravi de ce débat qui nourrit la réflexion de ces « sans-noms » qui pilote le système. J’avoue que le billet d’Hervé (avec qui je n’ai pas toujours été d’accord notamment sur une certaine AOP Huile d’Olive du Roussillon) m’a ravi car il a très bien mis en perspectives le débat qui oppose la majorité qui est dans le moule, souvent quelconque, à la minorité créative et agissante.
J’avoue que le débat est tellement partie dans tous les sens, qu’il a posé tellement de problèmes que je ne sais par quel bout le prendre. Excusez-moi d’y répondre en vrac.
Tout d’abord pour répondre à la question d’Hervé sur combien de vins sont refusés dans le nouveau système, même le président du Conseil des Agréments et Contrôles n’a pas les chiffres et je dirai même ne cherche pas à les avoir, car ils pourraient être jugés inquiétants. Dans l’ancien système les vins refusés dans l’AOC représentaient entre 2 et 5% des volumes suivant les appellations. Nous sommes probablement actuellement à moins de 1%.
Toujours pour être factuel, dans le nouveau système, un échantillon n’a pas droit à trois dégustations avant d’être refusé, mais QUATRE, soit, en moyenne, ce vin aura été dégusté par 20 dégustateurs dont douze au moins l’auront jugés non conforme. Pour information, une réflexion est menée à l’initiative de l’OC de Bourgogne pour savoir si la majorité qualifiée pour refuser un vin doit rester à 60% ou être montée à 70 ou 75%.
L’un des problèmes posés dans le débat est le motif de la non conformité. Hervé l’a très bien exprimé. Quasiment aucun vin n’est refusé pour des notions de typicité. La plupart des refus portent sur des défauts techniques ou considérés comme tels (acescence, éthanal, réduction, oxydation,…). La vraie question est là. Dans tous les cas qui m’ont été exposés depuis cinq ans, les prestigieux refoulés l’ont souvent été pour Ethanal donc par manque de SO2 libre. Peut-être faudrait-il retirer l’Ethanal de la liste des défauts ?
Mais le vrai débat posé est celui des limites de la famille. A quel moment, je sors de la famille ? A quel moment mon vin n’est plus dans le périmètre de cette marque collective ? Le gros mot est laché, l’AOP est-elle une marque collective ? Pour travailler sur le sujet dans d’autres cercles, le problème serait d’abord de définir quel est le périmètre d’une marque collective, est-ce une simple signature comme Sud de France ? Quels sont les marqueurs communs d’une marque collective ? Le goût en fait-il partie ? Autant de questions auxquelles nous nous gardons bien de répondre.
J’aime bien la notion qui a été défendu à Sève et qui est de dire que la notion d’AOP découle du fait que je suis dans un terroir et qu’à partir du moment où je respecte ce terroir par des pratiques traditionnelles, le produit qui en est issu, quelque soit son goût, appartient à la famille. Mais là encore reste posée la notion des défauts techniques.
Dernier point évoqué par Hervé qui est aussi un vaste débat, la notion des trois niveaux voulue par la réforme dont je rappelle qu’elle est Européenne et non Française. L’idée du Règlement Européen était de dire :
- Il y a les AOP où la famille doit être resserrée et identifiable en goût avec des contraintes de description du produit que les nouveaux CDC viticoles ont refusé de prendre en compte.
- Il y a ensuite les Indications Géographiques Protégés, ces fameuses IGP où je peux dire que je viens d’un lieu mais sans contrainte sur le cépage, les techniques de vinification et bien sûr le goût, reste cependant posé le problème des défauts techniques évoqués plus haut.
- Base de la pyramide, les VSIG, plus joli sous le nom de Vin de France et dont Hervé a rappelé l’espace total de liberté (y compris de planter des cépages alsacien mais sans l’autorisation de l’écrire sur l’étiquette). Là aucun contrôle et totale liberté de faire le produit que je veux.
Etait-ce le bon choix ? Sommes nous assez matures pour exploiter toutes ces potentialités ? Là encore de nombreuses questions auxquelles je me garderai bien de répondre. Le sujet est trop vaste pour le traiter en quelques lignes.
Enfin pour répondre à Michel, Oui l’INAO est devenu une grosse machine mais la faute à qui ? Pas forcément à ceux qui la dirige. C’est notre société « judiciarisée » à outrance qui l’a voulu ainsi. Regardez le classement de Saint Emilion, le débat n’est plus entre dégustateurs et techniciens mais entre ténors du Barreau. Ce n’est plus le vigneron qui vient discuter avec le Directeur de l’INAO mais son avocat. Le service juridique de l’INAO sera bientôt plus important en nombre que les agents techniques. Est-ce un bien ou un mal, je n’en sais rien mais c’est un constat plutôt triste de ce qu’est devenu notre société. Nous revendiquons toujours nos Droits, rarement nos Devoirs.
Bonnes fêtes à tous et particulièrement à notre taulier préféré !
PS : Hervé, j'avais oublié de répondre à une de vos questions. Personne en France n'a demandé à passer de l'AOC à l'AOP. Le Comité National Vin s'est même exprimé par le vote d'une motion exprimant son opposition. Cependant la démarche Européenne ne manque pas de bon sens en voulant que transversalement, tous produits confondus (vins, fromage, huiles,...) et tous pays confondus, il y ait les mêmes dénomintations AOP et IGP (d'où la disparition des vins de pays). Au Comité Produits Agro-alimentaires, nous avons voté l'obligation de mettre le logo AOP sur tous les produits afin que le consommateur commence à se répérer et quand des machines comme roquefort ou Comté s'y mettent la communication va vite. Dommage que le Comité Vin n'est pas eu la même démarche.