Quantcast
Channel: Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
Viewing all articles
Browse latest Browse all 7671

Commentaire de le Taulier pour la Conf'Pé

$
0
0

La biodiversité en procès : l’affaire du viticulteur bio relance la mobilisation contre les pesticides

par Sophie Chapelle  25 février 2014

Emmanuel Giboulot, viticulteur en biodynamie en Bourgogne, comparaissait le 24 février au tribunal correctionnel de Dijon. Poursuivi pour avoir refusé de polluer, en n’appliquant pas un insecticide sur ses vignes, Emmanuel Giboulot défend une autre approche de la viticulture sans recours systématique aux produits chimiques. Son combat a trouvé un écho incroyable auprès des citoyens, simples consommateurs, viticulteurs ou victimes des pesticides. Pour la profession viticole, ce procès pourrait marquer un tournant. Basta ! était à Dijon. Reportage.

Le téléphone n’arrête pas de sonner. Des demandes d’interviews entrecoupées de témoignages de soutiens. « Je ne suis pas habitué à ça », lâche en souriant Emmanuel Giboulot, à quelques heures de son procès au tribunal correctionnel de Dijon. Sans l’avoir recherché, ce viticulteur en biodynamie se retrouve propulsé lanceur d’alerte. Pour avoir refusé de se plier à un arrêté préfectoral l’obligeant à épandre un insecticide pour lutter contre une maladie de la vigne, la flavescence dorée, il encourt jusqu’à 30 000 euros d’amende et 6 mois de prison (lire notre précédent article qui a révélé l’affaire). Son histoire a fait le tour de la toile. L’une des pétitions lancée pour le soutenir a recueilli plus de 500 000 signatures ! « C’est bien au-delà de ce que l’on avait imaginé. Cela montre que c’est un sujet qui fait vraiment écho dans la société. A chaque fois que l’on peut éviter de mettre un produit de synthèse, on est tous gagnants. »

Alternative aux insecticides

Soulagé de se voir soutenu, Emmanuel Giboulot espère que cet événement va marquer un tournant dans la manière de lutter contre la flavescence dorée, cette bactérie capable de détruire un vignoble entier. « Dans chaque commune, on a demandé aux viticulteurs de se positionner pour ou contre le traitement. Mais jusqu’ici, le débat ne reposait que sur la peur face aux conséquences de cette maladie. » Résultat : le traitement préventif aux insecticides est quasi systématique. « Ce dont on a besoin, c’est de développer des approches alternatives et de se donner la possibilité de les mener. »

Il participe à une étude de l’Institut français de la vigne et du vin qui montre l’influence environnementale du paysage sur les équilibres dans la vigne. « On s’est rendus compte par exemple que c’est une chance d’avoir encore des arbres, ça influe sur le développement des parasites ». Et évite ainsi le recours à un traitement de synthèse. De la même manière, les fleurs contribueraient à un équilibre global en maintenant certains prédateurs dans les vignes.« Grâce à cela, il y a eu une dérogation pour ne pas appliquer de traitement sur les parcelles d’essais en Côtes d’Or en 2013 », note t-il. Un première avancée.

Viticulteurs ou consommateurs, une large mobilisation citoyenne

Alors que l’heure de l’audience approche, près d’un millier de personnes se sont retrouvées sur la place qui jouxte le tribunal correctionnel de Dijon. Une vingtaine d’organisations associatives, syndicales et politiques ont appelé à un pique-nique de soutien (voir l’appel). Certains n’ont pas hésité à faire plusieurs centaines de kilomètres, comme Michel venu de Melun. « Chez nous, y a plus d’abeilles à cause des pesticides. L’État veut quand même condamner un gars qui refuse d’en mettre ! Nous n’avons pas hésité à prendre un jour de congés pour être là et le soutenir. »« Le traitement systématique fragilise la biodiversité et discrédite notre métier », renchérit Ferjeux Courgey qui milite à la Confédération paysanne. Cet éleveur du Doubs fait le parallèle entre cette affaire et l’opposition à une campagne de vaccination obligatoire sur le bétail (contre la FCO, fièvre catarrhale ovine) décidée fin 2008. La relaxe de treize éleveurs par la cour d’appel de Riom en juin 2011 est « la preuve que nous avions eu raison de privilégier autrement la santé de nos animaux ».

Dans la foule, beaucoup de viticulteurs comme Marc Guillemot, en biodynamie depuis 25 ans. « Le traitement chimique n’est pas la solution, il faut vivre avec cette maladie, témoigne t-il. Il y a des régions où il est possible de négocier avec les services de l’État ». Ce que confirme un couple de vignerons venus de Savoie : « En 2012, nous avons refusé de traiter. La Draaf (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) a cherché des prestataires de services pour le faire mais n’en a pas trouvé ! Nous avons accepté de faire des essais avec le Pyrevert (seul insecticide préconisé en viticulture bio mais très décrié pour sa toxicité pour les insectes, ndlr) sur une toute petite partie de nos parcelles. Il faut quand même savoir que beaucoup de viticulteurs achètent le produit pour avoir les factures en cas de contrôle, et ne traitent pas. »

Ouvriers agricoles et riverains victimes des pesticides

Sourire aux lèvres, Marcellin Babey est manifestement heureux de voir autant de monde. Il est l’un des premiers à avoir alerté les milieux écologistes, suite à la convocation d’Emmanuel Giboulot devant le substitut du Procureur à l’automne 2013. Originaire de Saône-et-Loire, Marcellin fait partie des riverains qui subissent les traitements épandus sur les vignobles. « Il y a des moments dans l’année où l’on ne peut plus respirer. Des gens ont dû déménager. Cette année, grâce à cette mobilisation, on va prendre quatre fois moins d’insecticides sur la tête ! » Pour lui, ce procès change incontestablement la donne. « Le scénario dantesque de 2013 (qui imposait le traitement en Saône-et-Loire au moyen de trois applications d’insecticides, ndlr) est désormais impossible à dupliquer. »


Viewing all articles
Browse latest Browse all 7671

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>