Certes, le coeur et la fin de la dernière guerre, pour des gens nés comme moi en 1942, n'a pas constitué une période prospérité. Je revois les photos de classe des années 46, 47,48. Nos godasses sont de piètre qualité et nos habits ravaudés. Des blouses grises uniformisaient l'allure des écoliers ; mais nous n'étions pas malheureux, au sens que porte ce mot bien trop souvent. Des plaisirs simples émaillaient nos semaines : pique-nique au bord de la rivière en compagnies d'une partie de la famille, fêtes carillonnées, kermesse des écoles et du curé ; les instituteurs possédaient un sens très élevé de leur mission. M. le Maire, M. le curé, le médecin, étaient des personnalités respectées. Nos premiers pas dans ce contexte là, ont été, me semble-t-il, presque radieux. Nous n'avions que peu de biens, mais cela suffisait. La tendresse, l'amitié, l'entraide, l'emportaient sur tout le reste ; moissons et vendanges favorisaient l'expression de cette entraide : "la batteuse vient d'arriver ! elle commence chez untel" et tout le monde allait chez untel ; et ainis de suite. Idem pour les vendages et la cave. Mon père savait qu'il pouvait compter sur "les hommes de cave" ( déchargeurs de vendange, décuveurs costauds, rouleurs de pressoirs etc...) sans avoir à supplier que cette équipe, reformée spontanément chaque année, ne se manifeste. Ah, les vinifications de ce temps !! Pas de maîtrise des températures, pas de bons labo. à proximité, pas d'oenologues conseils ; du savoir faire hérité, de l'intuition, le sens du raisin et du vin. 1952 fut une année remarquable. J'ai encore en cave deux bouteiiles de châteauneuf-du-pape de cette année. Je n'ose pas les ouvrir...Nostalgie...
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